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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 16:08

Avec l'essor du SAC, Jacques Foccart devient le chef de la France- Afrique et Roger Frey reçoit le portefeuille de l’Intérieur. Il instaurera une chape de plomb avec l’aide des Renseignements Généraux sur les journalistes, les opposants politiques et même sur les propres ministres gouvernement gaullistes comme quoi la confiance règne. Le GIC (Groupe Interministériel de Contrôle)  se retranche  sous les invalides et  place sur écoute plus de 200 lignes téléphoniques. Mitterrand sait qu’il est écouté et fait comprendre à ses interlocutrices qu’il doit ne doit pas être polisson au téléphone de peur « d’offenser les pouvoirs publics ». Les RG travaillent le SAC dont les effectifs augmentent avec l’arrivée d’exaltés nationalistes et des policiers véreux. Les débordements sont de plus en plus fréquents. Le SAC a tous les caractéristiques d’une police parallèle. Leurs membres exhibent fièrement leur carte tricolore. Ils sombrent peu à peu dans les magouilles les moins enviables, les escroqueries et les trafics d’influences. Elle traque toujours les activistes du FLN et ceux de l’AOS. Les communistes sont épiés en tant qu’ennemis au régime. Le SAC fait le travail de la police légale en organisant des filatures et des perquisitions, ce qui dépasse largement de ses prérogatives. Le SAC a accès aux fiches des RG et de la DST avec tous les encouragements du ministre de l’intérieur, Roger Frey. Le philosophe communiste, Jean Paul Sartre, le leader des étudiants rebelles, Daniel Cohn-Bendit et le boss du Parti Socialiste Unifié(PSU), Michel Rocard seront marqués à la culotte. En ce qui concerne les étudiants, le SAC avait prévu d’en parquer 50 000 dans des stades lors des évènements de mai 68.  Un beau programme en perspective. La liste de ces étudiants sera récupérée et publiée par Libération ce qui vaudra au journal un attentat le 20 mars 1974. Rétablir des camps de concentration pour les étudiants récalcitrants, il faut le faire,  dans le sens où la grande manif du 30 mai 68 avait maté la chienlit et annoncé la victoire des Gaullistes aux législatives du mois de juin. Ce sont les provinces qui feront chuter le Général avec l’échec  du référendum sur la décentralisation en avril 1969. Ancien premier ministre, Georges Pompidou est élu président de la république dans la foulée. Il s’appuie sur son ministre de l’intérieur, Raymond Marcellin qui ne s’encombre pas de principes pour faire régner l’ordre, l’ORTF devient un organe de propagande et le SAC reprend du service. L’année 1970 est celle de la grande reprise en main des affaires. Les contestataires sont traqués, 3000 gauchistes sont fichés. Le SAC infiltre les syndicats pour casser les grèves et les meneurs politiques sont espionnés.
En 1973, le ministre de l’intérieur se prend pour Richard Nixon en faisant poser des micros par de faux plombiers dans les locaux du Canard Enchainé. C’est à 22h15, une heure naturelle pour faire de la plomberie,  que le dessinateur André Escaro surprend les apprentis chauffagistes en pleine besogne :


Watergaffe au « Canard » !
http://www.histoire.presse.fr/
par Jean-Noël Jeanneney

 

1973, 3 décembre. Ce jour-là, dans la nuit, de faux ouvriers installent des micros dans les locaux du Canard enchaîné. Un scandale qui implique la Direction de la surveillance du territoire, la fameuse DST, et le ministre Raymond Marcellin. L'affaire commence comme un banal roman policier. Le 3 décembre 1973, à Paris, vers 22 h 15, un collaborateur du Canard enchaîné, le dessinateur André Escaro, sort du cinéma et passe à pied devant le 173 rue Saint-Honoré, immeuble où l'hebdomadaire doit s'installer prochainement. Il est intrigué de voir de la lumière au troisième étage. Pour en avoir le cœur net, il grimpe les escaliers et tombe sur plusieurs « ouvriers », qui paraissent fort gênés par cette irruption inattendue. Ces hommes prétendent travailler pour l'installation du chauffage central - qui fonctionne en fait depuis trois semaines - et avoir oublié le nom de l'entreprise qui les emploie. Des lames du parquet sont arrachées. André Escaro s'éclipse sans demander son reste et court prévenir les directeurs du journal Roger Fressoz et Claude Angeli. Il revient avec eux sur les lieux pour constater que les visiteurs nocturnes ont disparu, que le parquet est remis en place mais qu'un trou a été percé sous le bureau du directeur tandis qu'au mur une brèche communique avec un immeuble voisin. Aujourd'hui encore, une plaque commémorative posée au-dessus de cet orifice, laissé ouvert, porte cette inscription : « Don de Marcellin, ministre de l'Intérieur de 1968 à 1974 ; ici, dans la nuit du 3 décembre 1973, des plombiers furent pris en flagrant délit d'installation de micros. » Le récit de cet épisode que donne l'historien du Canard enchaîné Laurent Martin, dans un livre qui fait référence, permet d'en mesurer la portée. Il fut avéré, assez vite, que le coup venait, sur ordre explicite de Raymond Marcellin, comme celui-ci l'a pratiquement reconnu plus tard, de la Direction de la surveillance du territoire, la fameuse DST fondue, depuis lors, en 2008, avec les Renseignements généraux pour former la DCRI, Direction centrale du renseignement intérieur. Passons sur l'inefficacité des services spécialisés : l'historien, tout comme le citoyen, doit avoir la sagesse de ne pas surévaluer leur habileté, de ne pas minimiser la part du hasard Escaro qui passait par là.... De cela témoignent aussi bien l'affaire du Watergate, aux États-Unis, qui vit, en 1972, de faux cambrioleurs investir avec une semblable maladresse le QG du Parti démocrate, que l'explosion du navire de l'organisation écologiste Greenpeace le Rainbow Warrior, dans le port d'Auckland, en Nouvelle-Zélande, en 1985, du fait des agents de la DGSE. Plus largement, l'affaire « des micros du Canard » pose la question des relations, en démocratie, entre le pouvoir politique et la presse, sous l'angle des libertés publiques. Le code pénal, en France, a beaucoup varié, au long des dernières décennies, quant à la protection des sources. Au début de la guerre d'Algérie, en 1957, le romancier Georges Arnaud avait été emprisonné pour avoir refusé de révéler dans quelles conditions il avait obtenu une interview de Francis Jeanson, entré dans la clandestinité dans son combat contre la politique de répression. Plus tard, les dispositions légales ont évolué au gré des alternances politiques, sans qu'on ait jamais renoncé à accorder aux journaux un certain droit au secret en face de la police et des magistrats : d'un côté était affirmé que la presse méritait, comme contre-pouvoir, de n'être pas bridée par des enquêtes malvenues du côté de ses informateurs, de l'autre on rappelait que la justice pouvait exiger, pour la protection de la société, notamment contre les manœuvres de pays étrangers, que ses investigations ne s'arrêtent pas à la porte des salles de rédaction. Quoi qu'il en soit, il n'est guère de responsables sauf d'anciens directeurs des Renseignements généraux pour soutenir que le gouvernement serait légitimé à utiliser, afin de traquer des journalistes et ceux qui les renseignent, des procédés qui doivent être réservés à la lutte contre le terrorisme et l'espionnage, et que les écoutes, en particulier, doivent être sévèrement encadrées. En 1960 Michel Debré, Premier ministre, avait décidé de réunir dans un groupement unique, dépendant de Matignon, l'ensemble des personnels qui pourraient y procéder, sur autorisation au cas par cas seulement, et pour des finalités bien précises. Oui, mais comme on le voit dans l'affaire du Canard et comme on l'a constaté ensuite, notamment quand des journalistes ont été écoutés lors de l'affaire dite « des Irlandais de Vincennes », sous la présidence Mitterrand, ou tout récemment à propos de ces collaborateurs du Monde dont les appels ont été relevés par la police à partir des fameuses « fadettes » des téléphones portables, le danger constant est celui d'un glissement entre le soutien légitime à la défense nationale et la curiosité malséante pour les propos privés des adversaires politiques et des journalistes. L'affaire des plombiers du Canard enchaîné « Quelle Watergaffe ! » titra l'hebdomadaire le 5 décembre et André Fontaine fit le rapprochement explicite dans Le Monde avec l'affaire qui fit choir Nixon eut du retentissement, y compris à l'étranger, non sans dommage pour la réputation de la France. L'opposition de gauche s'indigna de ce méfait, au Parlement, et la presse se montra, dans l'ensemble, convenablement solidaire : en frappant de ridicule, notamment, les pauvres diversions de divers porte-parole de la majorité, évoquant des « espions venus de l'Est » ou encore des « barbouzes communistes » Olivier Stirn, un canular monté par le journal lui-même Pierre Messmer, une initiative de la CIA Messmer encore - provoquant une protestation de l'ambassade des États-Unis... Placée devant cette affaire à certains égards branquignolesque, mais à d'autres inquiétante, la justice parut aussi mal à l'aise qu'une poule - changeons de volatile - devant un couteau. Elle fut piteuse, au long d'une procédure qui s'étala jusqu'en février 1980 ce fut le cas, comme trop souvent, de citer Gladstone : « Justice delayed is justice denied ». Les faux plombiers reçurent l'ordre de ne pas témoigner. En dépit du savoir-faire des avocats du Canard enchaîné Roland Dumas et Arnaud Lyon-Caen, les plaintes du journal se perdirent dans les sables. Le premier juge d'instruction, pugnace, fut promu ailleurs au bon moment et le second ostensiblement mou. Un premier non-lieu fut cassé par la Cour de cassation, en juin 1978, mais ensuite le parquet joua de la prescription pour atteindre son but : enterrer l'affaire. Ainsi fut-il difficile de contredire le directeur du journal Roger Fressoz, lorsqu'il écrivit : « La justice s'est mise au service d'une prétendue raison d'État. Elle a failli à sa mission qui est de [...] défendre les citoyens contre les exactions. Le reste n'est qu'arguties de robins  » La liberté de la presse est chose fragile.

watergaffe-au-canard-enchaine.jpg

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