Jean Jaurès, cet ami inconditionnel de la paix, ce meilleur ami de l’Homme, a décrit précisément la nature de la véritable Education. La problématique sociale ne peut s’en détacher dans les sens où l’Education amènera à une société ou à une autre. Cela semble évident de le rappeler mais cet objectif est de moins en moins perceptible de nos jours.
Ces dernières années furent celles du règne parfait d’une caste de margoulins dont l’action destructrice n’est plus à démontrer. Cette action fut relayée par une engeance complète de fonctionnaires serviles qui justifièrent chacune de leurs circulaires néfastes sans réagir au nom du devoir de réserve. Il vaut mieux s’engager en se trompant que d’être le mouton docile de la fable bouffé par un loup le jour où le soleil du printemps incite à l’égarement fatal. Jules Grévy l’avait bien compris en instaurant l’Ecole Laïque et Obligatoire de par l’Œuvre de son ministre Jules Ferry. Il ne faut seulement pas considérer cet acte comme un élan humaniste essentiel mais aussi comme l’expression d’une machine de guerre politique et redoutable. Dès lors, en éduquant les masses, il fut impossible à la royauté et au catholicisme de revenir au pouvoir. Cette République instaurée inculqua l’esprit de revanche en sous estimant les dégâts que générerait une nouvelle guerre contre l’Allemagne. Il faut dire que la Révolution Industrielle était passée par là et que peu de gens anticipèrent l’horreur de la boucherie de 1914, un affrontement métallique et la démonstration définitive que la chair est faible sous une grêle d’acier. Nul régime n’est parfait et il faut toujours raisonner avec l’esprit de l’époque d’ailleurs, Jean Jaurès, lui-même, ne condamna pas le colonialisme, il voulait l’humaniser. Cependant, Jaurès s’opposa fortement à l’expédition du Maroc, pays convoité à la fois par la finance française et la finance allemande. Il n’y voyait qu’une pomme de discorde supplémentaire entre les deux pays. Il condamna cette expédition dans la mesure une colonisation asservit les peuples autochtones et n’apporte pas que la « lumière » de l’occident. Le 31 mars 1905, Guillaume II débarqua à Tanger. Cependant le soutien de l’Angleterre à la France le fit reculer et le Maroc resta dans le giron français. Il sentait confusément que tout régime a besoin d’une mythologie pour s’enraciner dans l’inconscient populaire. La mythologie de la 3ème République instaura le Gaulois comme ancêtre officiel ce qui dénature complètement l’état d’une population aux origines diverses et au sang mêlé. Jean Jaurès en avait conscience et prêchait l’universalisme de la condition humaine.
Ses théories éducatives n’ont pas pris une ride associant l’idéal républicain et le socialisme naissant. Jean Jaurès n’a eu de cesse de condamner les dérives d’une bourgeoisie conservatrice et dominatrice en l’opposant aux idéaux de la Révolution Française. A ses détracteurs nostalgiques des temps anciens, il répondait : « Nous avons la flamme et vous n’avez que les cendres ! » Il prônait clairement cette idée forte que l’avidité est la source des guerres. Il savait que l’éducation citoyenne ne pouvait se passer de l’exigence du nouveau siècle et exigeait donc du système éducatif qu’il s’extirpe de la fange des querelles de dogmes. Il tenait compte du passé douloureux, sachant que les hommes sont le fruit de l’histoire et qu’il est utile de la connaitre pour bâtir un idéal.
Pour Jean Jaurès, l’éducation est au centre des activités humaines. Toutes les possibilités pour l’avenir et toutes les espérances du présent font partie de la problématique éducative. L’éducation participe à la nature de la première cellule et protège l’humain des tourbillons séculaires. Elle est indispensable pour éloigner la barbarie qui va entraîner l’extermination de son voisin ou de soi même mais sans bien savoir pourquoi, parce que c’est comme ça et qu’il faut obéir aux ordres. L’Education vise à humaniser un animal au sommet de la hiérarchie biologique qui ne sera pas un humain s’il s’enivre des préjugés et des modes de son époque. Les réflexions de Jean Jaurès sont intemporelles et universelles. Elles témoignent d’un esprit libre de se soumettant pas à la force de l’idée commune et destructrice qui entraînera l’endoctrinement des foules et la folie générale.
Jean Jaurès dénonçait déjà l’avènement de la ploutocratie qui avait remplacé l’aristocratie en voie d’extinction en promulguant deux écoles : celles réservées aux riches et celles réservées aux pauvres. Il jugea indispensable d’enseigner le « beau » et les sciences à chaque citoyen, considérant que la valeur des personnes n’était pas corrélative avec la valeur du portefeuille et prônant ouvertement que la richesse engendre l’instinct de conservation et de prédation. De là, le constat nécessaire d’éradiquer la figure du Christ dans les écoles primaires afin d’annihiler la force conservatrice qu’il incarne. Même si le problème du Christ paraît désuet de nos jours, il n’empêche qu’il est toujours présent, car protéiforme. Le Christ est allégorique, il renvoie directement à la dictature des faux semblants, des préjugés et des croyances qui polluent le système éducatif actuel. Il faut savoir ce qu’on enseigne et un enseignement automatique dépourvu de valeurs universelles, un enseignement qui se contente de sacrifier son sens primordial au nom des exigences d’une administration contradictoire mue simplement par le besoin de fonctionner est à condamner sans détour. Cette idée fondamentale ordonne à chaque enseignant d’appliquer le concept de révolution permanente, ce qui implique une conscience perpétuelle et universelle. Cette définition correspond en tout point avec la définition sartrienne de la conscience qui introduit le concept d’intentionnalité résumant le rapport immédiat entre le sujet et l’objet entraînant un recul perpétuel face aux évènements. Sartre rappelle la notion de morale laïque afin de pallier à la démission du Christ ce qui confirme ce que Nietzsche disait quant à cette faculté et ce besoin qu’à l’homme à fabriquer des valeurs. Rien ne pourra l’en empêcher, il crée des valeurs, c’est sa fonction suprême. L’enjeu est donc de faut mettre en garde contre les faux dieux et les idoles qu’on finit toujours par brûler quand ils ont fait leur temps. Sartre disait que « si les hommes le veulent, le fascisme sera le Bien ! » Tout comme Claude Guéant avait instauré un racisme d’état en tant principe régalien ce qui est contraire au préambule de la constitution de la 5° république, tout comme Nicolas Sarkozy avait divisé pour régner en opposant les enseignants aux autres travailleurs, Luc Châtel instaura, dans son administration, le mépris institutionnel et la loi du marché au sein de l’Ecole de la République. Le principe philosophique de l’Education primordiale est contraire à cela.
Vincent Peillon, le Ministre de l’Education Nationale, déjà oublié, a exprimé des choses fortes, même si, lui-même, n’échappera pas à la force des idéologies diverses. Il a d’abord rappelé que la publication des résultats des Evaluations Nationales n’avait servi qu’à la « propagande » politique du gouvernement précédent. Il est utile de rappeler que l’école de la République est au service des citoyens et pas au service de responsables commerciaux. Il a aussi évoqué que l’autorité des enseignants ne se décrétait pas mais qu’elle se construisait par une confiance mutuelle entre les élèves et eux-mêmes. Par extension, l’autorité administrative ne se décrète pas. Cette autorité ne peut être calquée sur le mode militaire qui stipule que le caporal obéit au sergent chef. La philosophie de l’Ecole Républicaine est antinomique avec ces principes qui montrent implicitement que l’administration ne fait pas confiance aux forces vives de son contingent en l’infantilisant pour mieux les contrôler. Or, c’est précisément en procédant de cette manière que l’on perd le contrôle de tout. Une Education digne de se nom, ne peut se construire que par la réflexion sur le sens de l’action des hommes. La communauté éducative, les Elus et les Parents d’élèves ont soif de renouer avec les idéaux de la République. La République est un grand mot, cependant, elle est accessible à tous ceux qui veulent bien se donner la peine de la construire, au jour le jour, dans le cadre de la révolution permanente et au nom de la force de la rue qui est la première vérité.
Jean Jaurès aimait imaginer le monde, non pas comme le fruit du hasard obtenu par la rencontre d’atomes qui se sont cognés de façon aléatoire, donnant aux hommes l’illusion de la liberté par méconnaissance du déterminisme matériel, mais comme la résultante d’une construction volontaire. Dès lors, il souhaita un aréopage de savants, d’artistes et d’érudits chargés de la confection des programmes éducatifs. Il voulait établir une Chambre Haute capable de concilier une âme sociale synchronique avec les principes intemporels. Il déclarait ouvertement qu’il est un devoir pour l’éducateur de sortir du carcan administratif qui l’emprisonne. Que de modernité dans son discours, dans le sens où, lui-même professeur et constamment tracassé par une entité administrative en décalage chronique avec ses prises de position, il considérait que sa hiérarchie était prisonnière d’un gluau intrinsèquement conservateur qui ne permettait pas aux ailes progressistes de se déployer. Socialiste avant tout, Jaurès ne pouvait imaginer la dictature d’un prolétariat non éclairé. L’Education est donc la clé de voute de sa réflexion socialiste et républicaine qui inculquera aux générations futures le sens de la justice et de l’équité.