PSA Peugeot Citroën devrait publier, mercredi 13 février, une perte financière historique. Jeudi 7 février, soit cinq jours avant la présentation officielle de ses comptes pour 2012, le constructeur automobile a en effet annoncé une dépréciation surprise de ses actifs automobiles, pour un montant de... 4,7 milliards d'euros ! L'ampleur de l'"ajustement comptable" est colossale au regard du chiffre d'affaires du groupe, qui était de 59 milliards d'euros en 2011, dont 42,7 milliards pour la seule branche automobile. Et ce, alors que le chiffre d'affaires 2012 devrait baisser, du fait de la chute de 16,5 % des ventes du groupe l'an dernier.
Pour justifier cette dépréciation, l'entreprise explique qu'elle ne fait que se conformer à une recommandation de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur les normes comptables. Selon celle-ci, PSA doit prendre en compte l'écart de valeur entre les capitaux propres inscrits à son bilan et leur valorisation économique, qui baisse en raison de la profonde crise économique du secteur.
Déminer le terrain
PSA estime désormais que les perspectives de croissance du secteur automobile européen, son principal marché, sont nulles à moyen terme. "Nous n'anticipons plus aujourd'hui de redressement significatif du marché, indique Jean-Baptiste de Chatillon, le directeur financier de PSA, selon nous, les marchés français et européen chuteront de 3 % à 5 % cette année." Dans ces conditions, l'écart de valeur a conduit PSA à déprécier la valeur globale des actifs de sa division automobile de 3 milliards d'euros. De même, du fait de l'absence de perspective de retour à l'équilibre avant fin 2014, PSA réduit également la valeur nette comptable de ses impôts différés de 879 millions d'euros.
A cela s'ajoute la dépréciation de 855 millions "d'actifs spécifiques", dont 612 millions d'euros avaient déjà été annoncés au premier semestre 2012. Ces dernières sont liées, notamment, à la fermeture de l'usine d'Aulnay, qui compte pour 100 millions d'euros de dépréciation dans les comptes. Malgré l'ampleur des chiffres, ces dépréciations ne sont que "techniques", assure PSA. "Ce n'est qu'un ajustement comptable, cela n'affecte en rien l'opérationnel", assure M. de Chatillon. Sur la dernière ligne du bilan de PSA, les pertes devraient tout de même être astronomiques.
A la dépréciation annoncée de 4,7 milliards d'euros, doivent s'ajouter 500 à 600 millions d'euros de provisions pour le plan social engagé à PSA, a indiqué la direction. Sans oublier les 200 millions d'euros de trésorerie que le groupe brûlait chaque mois l'an dernier. Ces pertes ne seront pas complètement compensées par les plans d'économies et de cessions d'actifs (Citer, Gefco, immobilier, etc.) lancés par Philippe Varin, le président du directoire du constructeur. Selon les analystes financiers, PSA pourrait présenter une perte opérationnelle de 1,5 milliard d'euros sur l'exercice, contre un gain en 2011 de 1,3 milliard d'euros. Au total, le groupe pourrait donc annoncer une perte de 6 milliards d'euros la semaine prochaine. Selon PSA, ces écritures comptables n'ont aucun impact sur sa trésorerie, ni sur sa dette, toujours estimée à 3 milliards d'euros fin 2012. M. de Chatillon "confirme" les engagements pris l'année dernière : "Nous tablons sur une division par deux de notre consommation de cash en 2013", indique-t-il, soit une perte d'environ 100 millions d'euros par mois jusqu'à la fin de l'année.
Assainir le bilan
Pourquoi, dès lors, communiquer en amont des résultats ? A la fois pour déminer le terrain, "assainir" la situation comptable et préparer l'avenir. "Nous avons un bilan assaini sur lequel nous pouvons bâtir l'avenir", a assuré M. de Chatillon. De fait, cette dépréciation d'actifs va mécaniquement embellir ses résultats futurs. Vu qu'il a annulé pour 3 milliards d'euros de ses actifs, il n'aura plus à les amortir sur les six prochaines années. Cette écriture comptable va donc améliorer de près de 500 millions d'euros par an la marge opérationnelle de la branche automobile, un critère très apprécié des analystes.
Du côté de l'Etat, on ne se montrait pas surpris par l'annonce du constructeur. "C'est juste une transcription dans les comptes de la réalité de la situation de PSA, qui est très dégradée", explique-t-on à Bercy. La direction du groupe automobile avait d'ailleurs pris la précaution de prévenir l'exécutif, par l'entremise de Louis Gallois, l'ex-patron de la SNCF et d'EADS, nommé administrateur indépendant de PSA en décembre.
L'annonce de cette dépréciation ne serait d'ailleurs pas pour déplaire à l'exécutif. L'Etat est en effet engagé dans un bras de fer avec Bruxelles, qui estime que la garantie de 7 milliards d'euros, accordée en octobre 2012 par le gouvernement à la banque interne de PSA, pourrait être assimilée à une aide d'Etat et donc annulée. "Tout ce qui donnera l'impression que PSA est au bord de la faillite rendra la Commission moins tatillonne", veut croire un proche du dossier. "Il y a des discussions en cours, reconnaît-on à Matignon. Mais nous sommes confiants et une décision devrait intervenir d'ici à quelques semaines."
Cafouillage autour d'une entrée de l'Etat au capital
L'hypothèse d'une entrée de l'Etat au capital de PSA, qui fait l'objet de rumeurs depuis plusieurs semaines, a été ravivée vendredi 8 février. Interrogé par BFMTV sur cette éventualité, Jérôme Cahuzac, le ministre du budget, a répondu : "C'est possible, ne serait-ce que parce que le FSI [Fonds stratégique d'investissement] existe." Une affirmation aussitôt nuancée par Matignon, où l'on assure que "ce n'est pas à l'ordre du jour". Certes, un schéma de prise de participation a bien été étudié, "mais il s'agit uniquement d'une hypothèse de travail, au cas où la situation de PSA continuerait de se dégrader ", assure un conseiller ministériel. Selon l'exécutif, PSA n'aurait d'ailleurs pas besoin de renforcer ses fonds propres.
Philippe Jacqué et Cédric Pietralunga
Source : http://www.lemonde.fr/economie/